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Pérégrinations d'un journaliste
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5 octobre 2009

La fin de la faim n'est pas pour demain

PREMIER BILAN 2009 : la barre du millard d'êtres humains affamés a été franchie, alors même que la communauté internationale s'était fixée comme premier Objectif du millénaire pour le développement de diviser par deux le nombre d’affamés entre 2000 et 2015… La crise alimentaire mondiale n'est donc pas terminée : premier constat tiré de la table ronde organisée le 28 septembre par La Maison de l'Europe à Paris autour du thème "L'Europe et le défi de l'alimentation mondiale". "Dans 80% des pays en développement, les prix sont plus haut aujourd'hui que pendant la crise alimentaire", a ainsi introduit Olivier de Schutter, rapporteur sépcial auprès des Nations unis pour le droit à l'alimentation. Selon lui, le défi alimentaire mondial se noue autour de trois enjeux : le changement climatique avec une production agricole mondiale qui baissera de 3 à 16% d'ici 2080, de 50% d'ici 2020 en Afrique subsharienne (perspective éclairante au regard de la sécheresse qui frappe actuellement la corne de l'Afrique, ici). Et de rappeller que "14% des gaz à effet de serre émis par l'activité humaine provient de l'agriculture moderne, il faut d'urgence produire autrement". Le second enjeu concerne la biodiversité. En effet, l'alimentation mondiale s'est focalisée autour de quelques espèces, essentiellement le blé, le riz, la pomme de terre, le maïs et le soja. On assite donc à "l'érosion génétique continue de ces plantes. La perte de ce patrimoine est extrêmment dommageable". Enfin le troisième enjeu demeure l'accès à la nourriture. "Il ne suffit pas de produire plus : si aujourd'hui un milliard d'êtres humains ont faim, c'est en partie parce que leurs revenus sont trop peu élevés."

PROTECTIONISME Les politiques agricoles occidentales et l'avènement d'un commerce mondial déséquilibré ont rendu non viable l'agriculture des pays en développement : en 2007, selon le CCFD (Comité catholique contre la faim et pour le développement), les trois-quarts des 850 millions de personnes souffrant de la faim étaient des paysans. Si l'agriculture poursuit son développement tel quel, l'exode rural va s'accentuer et le nombre d'affamés augmentera, même si la production croit. "Le droit n'est pas une illusion naïve, les politiques doivent rendre des comptes!", conclut Olivier de Schutter. les pays développés sont en partie responsables, c'est ce que défend Ambroise Mazal, du CCFD. Dumping économique (la poudre de lait en provenance d'Europe coûte moins cher que le lait produit sur place) et dépendance des pays du Sud aux importations notamment à cause d'une politique agricole en direction de productions exclusivement exportatrices (cacao, café, etc.) sont les grands responsables de la  situation actuelle : le producteurs français de poulet Doux (1,3 milliard d'euros de chiffre d'affaires en ) a touché en 2008 62,8 millions d'euros de subventions (vérifié ici). A cela s'ajoutent une politique parfois qualifiée de "néocolonialiste" avec l'accaparement des terres agricoles, et l' ouverture des frontières à travers des accords de libre échange : "Ces pays ne sont pas prêts", assure le représentant du CCFD, "en Guinée, dès que des barrières douanières ont été dressées face aux exportations hollandaises de pomme de terrre, une filière locale pu se redévelopper". Ainsi, l'Union europénne prône-t-elle le contraire de ce qui a fait sa réussite au sortir de la seconde guerre mondiale : la protection de ses ma'rchés et la Politique ag'ricole commune (PAC).

GABEGIE Même constat chez Bruno Parmentier, directeur de l'école d'agronomie d'Angers et auteur de "Nourrir l'humanité" (éditions de La Découverte) : "[En Europe, jusqu'à la seconde guerre mondiale, on ne mangeait pas à sa faim. Qu'a-t-on fait ? On a fermé nos frontières!" Est-il effectivement équitable de faire concourir sur le même plan au nom de la mondialisation un agriculteur français 200 à 500 fois plus productifs qu'un agriculteur africain ? "En sport, il y a des catégories! Mais on a trouvé des complices dans tous les gouvernements!" Alors, tous coupables ?  Quelles que soient les solutions, "il ne s'agit pas de nourrir ceux qui ont faim",  car le Nord ne peut pas nourrir le Sud (même si l'on gâche, "20 à 30% de notre nourriture"), mais bien de permettre aux pays en voie de développement de produire de quoi se nourrir. "Les solutions, ce sont des routes et la régulation". Une certaine hygiène de vie aussi : un végétarien consomme 200 kilos de céréales par an, un carnivore, 800 kilos. Le créneau "manger sain" dans les pays du Nord pourrait être l'occasion de réduire sa consommation de viande. En conclusion, l'humanité est capable : autant de gens avaient faim en 2000 qu'en 1900 mais, entre temps, quatre milliards d'humains de plus ont été nourris. Il faut faire ce qui a été fait en Europe - politique volontariste pour développer l'agriculture dans les pays en voie de développement, protectionnnisme - mais au niveau mondial. Et mettre les moyens : alors que la France avait dépensé 10% de son PIB, pour moderniser l'agriculture et nourrir le pays, l'Europe consacre à peine 0,46% de son PIB pour la faim dans le monde. © Michael Pauron

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